Record de vitesse sur triangle FAI de 25 km

L’an dernier, jour pour jour, nous étions au même endroit sur le site de Montclar dans le cadre du Championnat de France 2014. C’est lors de la manche d’entrainement que Maxime avait repéré le parcours et que nous nous étions promis d’y revenir pour essayer de battre un record en biplace pour Speed2fly. Trouver les conditions idéales et se libérer ou plutôt pouvoir libérer du temps commun dans nos emplois du temps n’était pas gagné et nous y sommes arrivés! Les conditions annoncées par TopMétéo étaient plutôt ventées pour le samedi, excellentes pour le dimanche.


Nous axons notre première journée sur du vol randonnée avec une montée au fort de Dormillouse suivie d’une descente par la voie des airs et occupons la fin d’après-midi par un vol de réglage en biplace sur le site de Saint Vincent les forts. Il faut dire que nous utilisons mon outil de travail pour la saison d’été, un Métis 3, et que quelques vérifications sont nécessaires pour ce vol.

Le dimanche, nous commençons notre journée par une mise en jambes sur le chemin qui mène au décollage du plateau de la Chau et redescendons aussi vite avec nos ailes légères. Le temps d’un sandwich et d’un changement de voile, et nous voilà sur le télésiège. Sur le déco, de nombreux touristes sont venus profiter de cette belle journée et plusieurs semblent intrigués par notre matériel, enfin surtout par les étriers accrochés à mes maillons…

Après une longue observation des conditions et de nombreux ouvreurs, nous décollons à 14h30. Les thermiques sont là mais la sortie est laborieuse, nous mettons plus de 25 minutes à atteindre l’altitude du fort. Pendant que Maxime resserre les 8 pour décrocher les bulles du relief mon estomac se demande si on ne se rapprocherait pas du wing. Une fois à la crête, nous partons vers notre point de départ, essayant d’enrouler des thermiques triangulaires… Il est peut-être un peu tôt.

15h12? Nous rentrons dans le rayon de notre balise de départ, le traversons, nos deux GPS Oudie3 bipent à l’unisson… C’est parti! Nous nous lançons sur une branche de 10 km face au Sud, le long de la crête de la Blanche. Nous cheminons au caillou, croisons quelques voiles et beaucoup de planeurs. Les thermiques que nous rencontrons ne sont pas très forts, les grosses ascendances semblent en avant du relief, sur les pentes se détachant de la crête. Pour battre le record, nous ne devons pas perdre de temps en thermique et optimiser nos cheminements pour n’avoir qu’une trace directe. Malheureusement, les plafonds ne sont pas aussi hauts que ceux attendus, la tête de l’Estrop est prise dans les nuages, et nous touchons seulement les 2700m, soit 300m de moins que prévu. Avec une altitude de croisière basse et des faibles Vz dues à l’ombre de beaux nuages, nous sommes contraints à quelques détours rendant notre trajectoire peu rectiligne.

Il nous reste 3 km pour finir cette première branche, nous perdons de l’altitude rapidement. Au loin se trouve un col derrière un grand pic. Sans parler, nous prions en symbiose… La situation est claire: si nous ne croisons pas rapidement la route d’une bulle tonique, nous serons obligés de faire le tour du relief et nous pourrons oublier toute idée de record. A croire que nous avons espéré assez fort, ou que la nature fait bien les choses: au milieu des chamois se trouve un beau thermique qui nous projette au nuage en un rien de temps et nous permet de foncer droit sur notre première balise. Nous avons perdu 2 minutes mais sauvé l’espoir de réussir.

Pour le retour, nous sommes contraints de suivre les lignes de crête. Loin de nous l’idée de faire du tourisme mortuaire, nous admirons cette immensité calcaire avec une pensée émue pour les victimes du crash de l’A320 de la compagnie Germanwings, quelque part sous nos sellettes. Au nuage, je demande à Maxime: « Tu n’as pas peur qu’on finisse dans le brouillard? » Il sourit. Ça ne me fait pas rire… Mon estomac ne supporterait pas les 360. Mes jambes se tendent, j’ai envie de pousser sur l’accélérateur, je n’en ai pas. C’est quand même long le vol bras haut, heureusement que le challenge est là…

Le temps est venu de faire un choix décisif: quitter notre ligne pour partir en direction de la deuxième balise. La masse d’air est matérialisée, nous changeons de cap. Devant, le nuage est bien actif mais dans son ombre la masse d’air n’est pas vraiment porteuse et nous trouvons le thermique seulement une fois arrivés au soleil. Nous le traversons, tournons la balise et revenons sur nos pas pour reprendre de l’altitude et laissons filer encore 1 minute de notre précieux temps.

Avant d’arriver au plafond, l’heure est à la décision, et quelle décision! Celle qui mènera à la réussite ou à l’échec: recoller le relief ou tirer droit sur la flèche. L’ombre sur le massif des trois Évêchés et nos expériences de compétiteurs nous font opter pour l’option droit sur la flèche. La masse d’air porte peu, nous évoluons à 32 km/h et cherchons les bonnes lignes, nous zigzaguons de façon inefficace, l’incertitude est à son maximum. Des aigles nous ouvrent la voie finale, et c’est sur les 2 derniers kilomètres que nous rencontrons une masse d’air généreuse qui nous permet de boucler le parcours à 2275m, soit 125 en dessous de notre point de départ, ce qui est large et pas optimal vu que nous avions droit à 500m d’écart. Nous pensons être dans le timing mais avec très peu de marge, nous espérons… en attendant de pouvoir analyser les chiffres sur l’ordinateur.

Après avoir pris la direction du retour, nous reposons au décollage, sur le plateau de la Chau. Enfin, reposer est un bien grand mot: à quelques mètres du sol la manche à air nous indique un changement soudain dans la direction du vent et nous nous roulons dans l’herbe sèche après un superbe flair sur nos postérieurs.

Au sol, heureux, ma nausée s’évapore, Maxime se réchauffe, nous nous ravitaillons avant d’échanger nos sellettes et de reprendre le vol. A moi les rênes, j’enfile les étriers, bizarrement je ne trouve pas la cravache… Maxime me l’aurait piquée? Nous n’en avons pas eu besoin pour prendre notre plus beau thermique de la journée qui nous sort de la forêt pour nous amener au plafond, dans une spirale régulière, à 2700m d’altitude. Un dernier long glide avant de toucher le sol, reprendre contact avec la réalité, ouvrir les ordinateurs, décharger les traces, prendre la route du retour.

Nous validons ce record du monde et d’Europe avec une moyenne de 27,66 km/h sous un biplace Metis3 de la marque Sky Paragliders, sans trims ni accélérateur, avec quelques imperfections dans le choix de navigation. Ce n’est pas un grand progrès par rapport au précédent record détenu par Burckard Martens, mais ce n’est qu’un début. En enlevant les 3 minutes passées à enrouler 2 thermiques et des trajectoires plus directes, ce qui aurait été possible avec un plafond de 300m plus haut, nous aurions eu une vitesse proche des 30 km/h. Avec des si, on referait le monde! Voilà une motivation pour de nouvelles tentatives bientôt, avec de meilleures conditions, une voile tunée comprenant trim et accélérateur et toujours le sourire.

Nous sommes heureux d’avoir mené cette tentative à bien, d’avoir trouvé le temps et de nous être donnés les moyens de concrétiser un projet qui nous tient à cœur, d’avoir transformé en réalité un bout de nos rêves.

Merci à Matthieu et Flora pour leur accueil et à tous les partenaires qui soutiennent le projet Speed2fly.

4 Replies to “Record de vitesse sur triangle FAI de 25 km”

  1. Maurice

    Et bien nous aussi on est content pour vous. Merci pour ce récit, et bravo pour ce record pas dû au hasard mais à vos compétences. A quand le prochain ? 😉

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  2. Seb Blein

    […échanger nos sellettes et de reprendre le vol. A moi les rênes…] j’ai bien cru à une seconde tentative dans la même journée avec ce second équipage 😉
    Well done!

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